LA KORITE A QUEL PRIX

À moins d’une semaine de la fête de Korité, le prix de la viande connait une hausse inquiétante. Entre la fermeture des frontières maliennes et la cherté des intrants, les raisons évoquées sont multiples. Les acteurs craignent une fête pas comme les autre

À moins d’une semaine de la fête de Korité, le prix de la viande connait une hausse inquiétante. Entre la fermeture des frontières maliennes et la cherté des intrants, les raisons évoquées sont multiples. Les acteurs craignent une fête pas comme les autres.

En cette matinée de dimanche, Seras vibre au même rythme. Entre des rabatteurs qui guettent le moindre acheteur, des camions qui déchargent de temps à autre, le décor est celui d’un banal quotidien. Mais, si à première vue, un sentiment d’abondance peut faire penser que les produits sont accessibles, la réalité est toute autre. Le prix du kilogramme de viande de vache est passé de 3200 à 3500 FCfa en moins de deux semaines. Selon Bâ, boucher établi non loin de l’entrée secondaire, le pire est à craindre à une semaine de la Korité. D’après lui, la hausse des prix se justifie essentiellement par la fermeture des frontières avec le Mali. « L’essentiel des vaches venait de ce pays, même si une partie est du Nord. Donc, ceux qui en ont toujours font dans la surenchère », explique-t-il.

Et aujourd’hui, l’inquiétude gagne même les bouchers. Mamoudou Diop est dans le circuit depuis quelques années avec une approche qui consiste à livrer le produit à ses clients. « Je prends les commandes, achète et les livre. Mais, depuis quelques temps, c’est presque à l’arrêt. C’est devenu très cher et les clients ne le comprennent pas », déplore-t-il. Selon lui, c’est encore plus compliqué pour ceux qui ont des clients fixes parce qu’il « ne peut pas augmenter les prix au risque de les perdre ». « Souvent, je suis obligé de vendre sans rien gagner », dit-il.

Le prix des vaches flambe, la viande de mouton intouchable 

Aujourd’hui, la situation est loin de se décanter. En effet, selon Isma, vendeur de viande, les vaches qui venaient du Mali étaient les plus prisées en raison de leur accessibilité. Mais, depuis que la crise a éclaté, les éleveurs ne viennent plus. Les quelques rares qui réussissent à faire entrer leurs produits ont fait passer les prix du simple au double. « Les vaches qu’on achetait à 200 000 FCfa, on ne peut plus les avoir à moins de 300 000 FCfa. Si on voulait gagner la même chose, le prix du kilogramme allait passer du simple au double », a-t-il assuré.

Si les vaches sont devenues de plus en plus inaccessibles, les moutons, eux, on en trouve régulièrement. Mais là aussi, les prix ont plus que flambé. À Seras, le kilogramme de viande de mouton est cédé à 4500 FCfa au moins. Et d’après Bâ, les prix peuvent grimper avec la Korité.
« On ne maîtrise plus rien en fait ; tout dépend de la disponibilité des produits. Dès qu’il y a un manque dans l’approvisionnement du marché, cela se ressent sur les autres produits. Même les chèvres qu’on pouvait trouver autour de 30 et 40 000 ne se vendent plus à moins de 60 000 », fait-il remarquer. Très pessimiste, Mamoudou, lui, estime que cette situation est partie pour durer. Pour cause, même si les frontières maliennes venaient à être rouvertes, il va falloir du temps avant que le marché ne soit correctement ravitaillé. Même cela, relativise-t-il, n’est plus garanti à cause de la hausse des prix des aliments bétail. « Du foin au « ripass », tout est cher. Et c’est normal que cela se répercute sur les prix », prévient-il.

Au foirail de Diamaguène Sicap Mbao, c’est l’inquiétude 

En cette matinée de dimanche, c’est le calme au foirail de Diamaguène Sicap Mbao. Les clients sont moins nombreux que d’habitude. « C’est l’effet du Ramadan ; ils viennent généralement à partir de 13 heures », répond Serigne Sarr. Debout devant sa table garnie de viande de bœuf, il agite son chasse-mouche, puis saisit son couteau et tranche la côtelette. À moins de 10 jours de la célébration de la fête, le boucher regrette la cherté des bœufs qui, souligne-t-il, sont intouchables actuellement. « Les sujets sont chers sur le marché. Il est impossible d’avoir un bœuf à 150 000 FCfa. Il faut forcément débourser entre 180 000 et 200 000 FCfa. Du coup, le kilogramme de viande connaît une hausse. Il est vendu actuellement à 3800, parfois à 4000 FCfa », informe-t-il, guettant la clientèle. Sous un chapiteau, Ousseynou Faye se fait aider par deux jeunes hommes pour accrocher la carcasse. Le jeune homme propose de la viande de bœuf depuis bientôt 10 ans. À quelques jours de la fête, il établit une comparaison par rapport aux prix de l’année dernière. « Avec la fermeture de la frontière malienne, on se dirige vers une fête compliquée. Le kilogramme de viande est passé de 3000 à 3800, voire 4000 FCfa. Ce sera compliqué pour les familles qui préfèrent la viande de bœuf », alerte-t-il son arsenal de couteaux sous les yeux. Établi à quelques mètres de l’arrêt Diamaguène, Moustapha Sylla s’offusque de l’instabilité des prix. « Tout est cher. Du jour au lendemain, on constate une hausse inexplicable. Raison pour laquelle le kilogramme de viande est vendu parfois à 4200 ou 4500 FCfa », souligne-t-il assis devant sa cantine. L’inquiétude est également le sentiment le mieux partagé chez les clients. Munie d’un sachet, Oulimata fait le tour des cantines. Elle est venue s’approvisionner pour le dîner. « La viande de mouton coûte cher actuellement. Celle de bœuf également. Il faut débourser presque 10 000 FCfa pour avoir deux kilogrammes. C’est compliqué pour les ménages », déplore la dame vêtue d’une djellaba grise. À ses yeux, la fête risque d’être difficile pour les familles. Fréquentant les foirails pour les mêmes raisons, Soukeyna Niang livre les mêmes impressions. Pour elle, la conjoncture économique n’épargne aucun pays, aucun secteur. « Dans les quartiers, le kilogramme de viande de mouton ou de bœuf est vendu entre 4200 et 4500 FCfa. La fête de Korité sera compliquée vu que le poulet se fait rare sur le marché », estime Soukeyna.

HAUSSE DU PRIX DES INTRANTS

La volaille suit le même rythme 

Jadis recours privilégié, le poulet est devenu intouchable. La hausse du prix, selon la plupart des aviculteurs, s’explique essentiellement par la cherté des intrants. Moussa Diop est dans le milieu depuis plus de 10 ans, mais jamais il n’a été confronté à autant de difficultés. « Le carton de 50 poussins, on pouvait l’acheter jusqu’à 24 000 FCfa. Aujourd’hui, en plus d’être introuvable, on ne peut pas l’avoir à moins de 30 000 FCfa. Le prix du sac d’aliment est passé de 15 000 FCfa à 18 000 FCfa », liste-t-il. Pour lui, les consommateurs doivent se préparer au pire. Personnellement, dit l’aviculteur, « il est hors de question de vendre à moins de 3500 FCfa le poulet, peu importe son poids », dit-il.

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