En matière d’élections au Sénégal, mieux vaut choisir l’ère de la royauté et de l’aristocratie que le siècle des lumières. Thierno Alassane Sall, Abdourahmane Diouf, Thierno Bocoum et Ibrahima Hamidou Dème l’apprendront à leurs dépens. En voilà une coalition qui se voulait la troisième voix, une alternative à la coalition au pouvoir Benno bokk Yaakaar et la principale force d’opposition, la grande coalition Yewwi-Wallu.
Mais au vu des premiers résultats, il apparaît nettement que cette coalition ne sera pas la troisième force politique après les Législatives de ce 31 juillet 2022. Déjà, dans de nombreux bureaux de vote, ils sont devancés par le néo-politique Pape Djibril Fall. Certaines tendances lourdes indiquent même que c’est le journaliste qui est devant toutes ces personnalités politiques réunies.
Pourtant, cette coalition se voulait celle des intellectuels, les porteurs d’un programme et d’un discours qui fait appel à la raison. Durant la campagne, ils ont eu à développer des idées intéressantes qui méritaient sans doute plus d’attention de la part des Sénégalais. Mais comme le renseigne l’histoire politique sénégalaise entre Senghor et Lamine Guèye, mieux vaut savoir mobiliser les foules et faire des promesses que d’être généreux dans les idées.
Or, c’est là que réside le péché originel de cette coalition. Parmi ceux qui la composent, il n’y a pas un seul qui a une base politique solide. Thierno Alassane Sall semble être le mieux loti, mais la constitution de sa base à Thiès reste inaboutie. Il est vrai qu’avec la position de Idrissa Seck, les ambitions de l’Apr (au-delà des coalitions et conjonctures), les petits pas du Pastef, sans oublier les Guelwaars de Babacar Diop, il est difficile de se frayer un chemin dans la capitale des rails.
Qui donc pour porter la coalition ? Si on veut être lucide, ni Abdourahmane Diouf, ni Thierno Bocoum, ni Cheikh Oumar Sy encore moins Ibrahima Hamidou Dème ne peuvent être de sérieux prétendants. Personne parmi ces quatre ne peut assurer la victoire dans une localité précise. Or, en politique, il faut avant tout avoir un ancrage local. Il s’y ajoute qu’une fois les limites des centres urbains franchis, ils deviennent tous d’illustres inconnus. Comment gagner des élections dans ces conditions ?
Peut-être que le groupe des 5 a voulu croire aux Sénégalais qui se disent fatigués des politiques, en leur faisant une nouvelle offre. Le problème est que ce discours ambiant se limite à un niveau verbal, mais jusqu’ici l’électorat confie son destin aux politiciens de métiers. L’autre fait est que ceux qui font l’offre n’apparaissent pas plus légitimes que les autres. Ils sont de la même classe que les gens du pouvoir et de l’opposition. On a affaire à deux anciens responsables de Rewmi (Diouf et Bocoum), un ancien de l’Apr (Sall) et les deux les moins connus.
Il faudra donc repasser en voyant à la fois le discours et les profils. En vérité, la question des offres programmatiques est un leurre. Certains avancent l’argument du manque d’instruction d’une bonne partie de la population. Même dans les pays développés où les électeurs sont plus instruits et la démocratie plus solide, on vote sur la base de l’émotion et d’autres considérations plus subjectives que rationnelles.
Depuis des décennies, l’Amérique est divisée en deux camps : républicains et démocrates. Et ils sont nombreux à voter les yeux fermés. Les partisans de Donald Trump qui ont envahi le Capitole en sont une illustration parfaite. Les dernières élections en France n’ont pas dérogé à la règle.
Au Sénégal, des candidats comme Cheikh Anta Diop, Ibrahima Fall n’ont jamais eu leur chance. Seuls les autres intellectuels comme Senghor et Wade qui ont fait appel à l’émotion au détriment de la raison ont su captiver les foules pour ensuite capter les suffrages. Moralité : il faut sans doute avoir de bonnes idées pour développer le Sénégal, mais faudrait-il auparavant savoir mobiliser pour espérer accéder aux commandes afin de traduire la volonté en acte.
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